Etude sociologique
En 2004, le GAL a chargé le département de sociologie de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) de mener une étude de terrain afin de mieux cerner les concepts et les enjeux liés aux relations entre ruraux et néo-ruraux sur le territoire d’Assesse et de Gesves.
Cette étude a fait l’objet d’une publication intitulée « Analyse sociologique des relations sociales de proximité dans les Communes d’Assesse et de Gesves » (Février 2005).
Voici le résumé des principaux résultats.
La vie villageoise d’hier à aujourd’hui
Mythe ou réalité, la vie villageoise est couramment représentée par des images d’interconnaissance entre habitants partageant la mémoire d’une histoire commune. La disparition des petites exploitations agricoles, la séparation du lieu de travail et du domicile, l’arrivée de nouveaux habitants quittant la ville pour s’installer à la campagne sont autant d’éléments qui changent le rythme de la vie villageoise et bousculent ces images.
Les relations de voisinage dans les communes d’Assesse et de Gesves
Durant l’année 2004, une étude sociologique menée sur les communes d’Assesse et de Gesves s’est intéressée à la vie locale et aux relations entre les nouveaux et les anciens habitants. Une vingtaine d’habitants natifs ou non de la région, d’enfants inscrits dans les écoles communales de Faulx-Les Tombes et de Maillen, et plusieurs associations locales y ont collaboré. Ils ont notamment raconté leur manière de vivre en milieu rural.
Assesse et Gesves: communes rurales ou périurbaines?
Depuis les années ’90, les communes d’Assesse et de Gesves voient leur population augmenter de façon importante. Cette augmentation s’explique par l’arrivée de nouveaux habitants provenant essentiellement de l’agglomération de Namur, et dans une moindre mesure de la région bruxelloise et de communes contigües.
Les études statistiques poussent à découper la population rurale en deux catégories: les « ruraux », désignant les habitants installés depuis toujours en milieu rural et les « néoruraux », désignant les habitants provenant de la ville.
Pourquoi s’installer à la campagne?
Bénéficier d’une vision panoramique sur le paysage, participer à la vie villageoise, dipsoser de suffisamment d’espace pour établir sa propriété, jouir au quotidien d’un cadre naturel, s’échapper de la promiscuité urbaine, etc. Les attentes et les raisons liées à l’installation en milieu rural sont contrastées.
La démarche des habitants quittant la ville pour s’installer en milieu rural est souvent perçue comme le désir d’élire son domicile à la campagne sans prendre part à la vie locale. Ce cliché doit être nuancé. Certains s’installent à la campagne dans l’espoir de s’intégrer dans une dynamique sociale à l’échelon local, d’autres ont coupé tout lien avec leur lieu de résidence précédent pour reconstruire une vie sociale à proximité du lieu d’habitation actuel.
Qu’est-ce qui nous lie à nos voisins?
Les habitants d’une même rue, d’un même village, d’une même commune entretiennent des relations de voisinage. Celles-ci se présentent sous des formes qui varient, opposant les relations de voisinage courtoises (gestes de reconnaissance, dire bonjour) et les relations de voisange engagées (liens forts nés de liens familiaux ou nés de la participation à un projet collectif). Entre ces deux modèles, s’observent de multiples façons de participer à la vie locale: se proposer comme assesseur, fréquenter la boulangerie du coin, organiser la Saint-Nicolas des enfants du village, etc.
Le type de relation qui se noue entre habitants ne dépend pas de l’origine urbaine ou rurale des personnes et dépend en partie seulement de leur ancienneté. D’autres critères influencent davantage le type de relation, comme par exemple le fait de fréquenter ou non l’école du village, travailler dans ou à l’extérieur de la commune et la volonté +- forte de participer à la vie locale.
« Ruraux » et « néoruraux »: deux cultures différentes?
Selon les points de vue, l’idée de « ruralité » se présente comme une identité se transmettant de génération en génération ou comme un mode de vie que l’on choisit. Les interviews ont tenté de comprendre comment les habitants se perçoivent mutuellement: dans quelles circonstances se définissent-ils comme « ruraux » ou « néoruraux »
L’expression « néorural » s’utilise surtout en cas de situations de tension entre habitants. Celles-ci naissent généralement lorsque les attentes par rapport au milieu rural comme cadre de vie entrent en contradiction.
Exemple: certaines formes d’aménagements de voirie comme les trottoirs ou les casse-vitesse sont perçues différemment par les habitants. Pour certains, ils sont jugés non conformes au milieu rural, et donc peu désirés. Pour d’autres, ils sont vivement souhaités pour l’aspect pratique et sécurisant qu’ils offrent aux différents usagers de la route.
Le terme « néorural » sert comme mot d’emprunt pour désigner l’habitant dont les attentes par rapport au milieu rural dérangent, quelle que soit l’origine réelle de cet habitant. Ce terme change donc constamment de contenu: chacun s’en empare pour exprimer son propre point de vue sur le milieu rural, ce à quoi il doit ressembler comme cadre de vie. En dehors de ces situations de tensions, les catégories « ruraux » et « néoruraux » ont peu de sens dans la vie quotidienne des habitants. Ceux-ci se définissent principalement en se référant au pays, à la commune, au village, ou encore à la région où ils sont nés.
L’ensemble des témoignages recueillis auprès des seize habitants présente « la vie au village » sous l’aspect d’une mosaïque de pratiques: la vie locale des habitants se déroule à des échelons qui varient (la rue, le village, la commune, etc.) et les relations entre voisins se fondent sur des logiques qui diffèrent (relations familiales, d’entraide ou de courtoisie).
Cette diversité n’empêche cependant pas les nouveaux habitants, venant de la ville ou de la campagne, et les anciens habitants de se rencontrer, puisque ceux-ci ne se différencient pas nécessairement à travers ces pratiques. Par contre, ils se heurtent parfois l’un à l’autre, car leurs attentes par rapport au milieu rural divergent. L’identité rurale est revendiquée pour faire valoir sa propre vision du milieu rural.
En conclusion
On peut conclure que la « ruralité » se définit différemment selon les conceptions de chacun du milieu rural et les projets de vie que celui-ci représente. L’enjeu des relations de voisinage entre les habitants d’Assesse et de Gesves est de faire coexister ces différentes conceptions.