Légumes : biodiversité cultivée
Maraîchère – Des semences aux bocaux
Chargé de mission
Partenaires
Financement
Période
Avril 2021 – Avril 2023
Maillons concernés
Co-construction d’une filière complète qui valorise les maraîcher.ére.s et la biodiversitée
Avec les professionnels, nous développons une filière « potagère » complète de la sélection des semences à la commercialisation de légumes et de bocaux basés sur la biodiversité et si possible permettre à des personnes peu qualifiées d’y trouver un épanouissement.
Constat
Cette proposition se base sur quatre constats.
- Premièrement, selon la FAO[1], le modèle agricole « productiviste standardisé » a dégradé les sols, pollué les nappes phréatiques et diminué la biodiversité.
- Deuxièmement, la majorité des maraîchers ne prennent pas ou n’ont pas le temps de s’interroger sur le type de semences qu’ils utilisent ou plus généralement qui ont permis la production des plants qu’ils achètent et cela y compris en agriculture biologique. Seules les semences enregistrées au catalogue peuvent circuler entre professionnels. Pour être enregistrées elles doivent correspondre aux normes de Distinction, Homogénéité et Stabilité (DHS). Le référentiel DHS favorise la sélection, la multiplication et la culture de variétés dont les individus sont tous semblables les uns aux autres. Cela permet notamment un calibrage des productions agricoles tel qu’exigé par l’agro-industrie[2]. Par ailleurs, depuis 1961 les obtenteurs disposent d’un droit de propriété intellectuelle dénommé le Certificat d’Obtention Végétale (COV), qui restreint les possibilités de réutilisation des semences. Ainsi la combinaison de ces deux mécanismes verrouillés renforce la privatisation de l’accès aux semences. Les agriculteurs ont ainsi perdu un précieux patrimoine semencier mais ont aussi été petit à petit dépossédés de leurs savoir-faire transmis de génération en génération. Ce n’est pas pour autant qu’il faut avoir une vision édenniste d’un futur où tous les maraîchers en plus de la production de légumes reproduisent et sélectionnent leurs semences.
- En juin 2018, le parlement européen a voté un nouveau règlement légiférant l’agriculture biologique[3]. L’article 13 intitulé : « Dispositions particulières applicables à la commercialisation de matériel de reproduction végétale de matériel hétérogène biologique » représente une avancée historique pour la mise en circulation de semences favorisant la biodiversité. En bref, cet article permet en agriculture biologique de vendre, donner, échanger entre professionnels des semences ayant une diversité génétique. Cette diversité favorise le potentiel adaptatif des plantes au changement climatique et favorise la biodiversité cultivée. Cette avancée législative doit trouver des concrétisations de terrain, sans quoi elle ne sert à rien. C’est dans cette perspective que le RMRM cherche à évaluer la possibilité de développement une filière professionnelle de produits issus de semences hétérogènes.
- La demande de consommation locale s’accentue (Cocoricoop, Artisans Paysans,…). Certains consommateurs sont à la recherche de réponses à leurs préoccupations environnementales, des produits “sains” et “authentiques”. Mais manger local ne peut se limiter à acheter ses légumes à l’épicerie du village (quand il en reste une…). La sélection des semences, la production de légumes et la transformation sur le territoire (« bocalerie ») sont essentielles pour parler de “local”. Cela permet d’ancrer les efforts des un-e-s et des autres dans la valorisation d’un patrimoine commun des semences au bocal.
[1] FAO. « The state of the world’s plant genetic resources for food and agriculture », 1997.
[2] Hecquet, Corentin, et P. Stassart. « Le système semencier en question ». Mille Lieux, 2017, 14‑21.
[3] Parlement européen. Production biologique et étiquette des produits biologique, Pub. L. No. P8_TA-PROV (2018)0180 (2018).
Proposition
Au regard de la perte de biodiversité, au besoin d’adaptabilité des systèmes maraîchers au enjeux climatiques, d’une demande locale potentielle, nous nous proposons de créer une filière multi-acteurs prenant soin des humains et du milieu (la nature). Nous nous proposons d’assembler sur notre territoire les différents acteurs impliqués dans la production de semences, de légumes pour ensemble développer les outils et structures permettant de mettre en place une filière complète de la semence au bocal de conservation en agriculture biologique impliquant les enjeux d’insertion sociale. Cette filière fournit les maraîchers en semences et plants, et eux-mêmes fournissent en légumes et en bocaux de conservation les habitants du territoire.
Axes de travail
La mise en place d’une filière est un enjeu collectif. Chacun doit définir son rôle et son périmètre d’action. Dès lors, les points ci-dessous sont à titre indicatif et doivent faire l’objet de discussions entre les différents acteurs. Les différentes étapes de la filière sont :
- Sélection et production de semences
Ce travail est déjà réalisé par Semailles et Cycle-en-Terre. Ces deux entreprises proposent des variété population[1] mais principalement à destination des jardiniers amateurs. Des améliorations sont à envisagées afin de mieux intégrer les besoins des maraîchers. Actuellement nous avons choisi 5 variétés de 5 espèces qui vont être présentées aux maraichers. 4 maraîcher testent également ces variétés chez eux. Nous avons un échange prévu en septembre 2022.
- Production et distribution de plants
Nous étudions la possibilité techniques, financières et humaines pour créer un outil (privé ou collectif) de productions de plants.
- Production de légumes
Nous avons 17 maraîchers sur le territoire.
- Confection de bocaux
Plusieurs projets de bocaleries envissagées sont soit arrêtés, soit remis à plus tard
- Commercialisation
Il s’agit de trouver un « branding » et une communication qui souligne le fait que ces légumes et bocaux sont issus de semences favorisant la biodiversité et l’emploi localement. Il est important d’y réfléchir en parallèle à d’autres démarches similaires sur le territoire (dont le développement de la filière des semences au pain). Ainsi l’aspect des semences et des bocaux locaux, qui rendent la production alimentaire véritablement locale et circulaire peut devenir un argument de marketing par rapport aux légumes importés bon marché.
A titre d’exemple, le groupement de producteurs breton BioBreizh en collaboration avec l’association Koal Kozh développe ce type de valorisation pour les légumes produits en Bretagne et commercialisé tant sur des circuits courts que des circuits longs.
[1] Le terme variété populations renvoient à un (grand) ensemble de plantes cultivées dans un champ et composé de plantes individuelles diffèrent génétiquement les unes des autres (Döring et al., 2011). L’approche population, par la diversité inter et intra spécifiques des plantes cultivées, favorise une diversité génétique tenant compte des fonctionnements écologiques agrosystémiques. L’inter consiste « à organiser, dans le temps et l’espace, la culture de plusieurs espèces sélectionnées pour diverses fonctions de production ou de service, et l’entretien d’espèces sauvages pour les services qu’elles jouent dans l’écosystème cultivé local » (Papy et Goldringer 2011). Cette approche nécessite un travail au niveau des espèces elles-mêmes (intra-spécifique). Il est également recherché « une bonne compétitivité vis-à-vis des adventices, ainsi que des résistances aux multiples maladies et prédateurs » (Papy and Goldringer 2011).
Pourquoi en Cœur de Condroz
Notre territoire est un terreau fertile pour une filière des semences au bocaux. Depuis quelques années en Wallonie, des filières plus localisées tentent de se développer. La perspective d’un parc naturel en Condroz namurois correspond à une échelle qui permet de développer un tel projet sur l’ensemble de la filière (de la sélection des semences à la commercialisation de bocaux). Par ailleurs, le Condroz namurois est également l’épicentre de la production artisanale de semences bio : deux acteurs wallons (Semailles, Cycle-en-Terre) se trouvent sur les communes de Gesves et Havelange, ainsi que plusieurs producteurs-multiplicateurs. De plus, de nombreuses personnes sur le territoire sont également à la recherche d’une alimentation qui permet de faire vivre leurs voisines et voisins producteurs et/ou transformateurs.
Dès lors, tant notre territoire que les personnes qui le composent représentent une belle opportunité pour poser les jalons de ce projet.